Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia a entraîné la submersion de zones littorales basses en Vendée et Charente-Maritime. 41 personnes ont péri noyées, piégées à l'intérieur de leurs constructions par la montée du niveau d'eau (Vinet et al., 2011). Les retours d'expérience ont pointé le rôle de la configuration et de la localisation du bâti résidentiel dans la mise en danger des occupants en cas d'événement d'inondation, jusqu'à conduire au décès.
Face à ce constat, l'État a décidé la destruction des constructions les plus dangereuses à travers les « zones de solidarité ». Cette politique, critiquée pour sa cherté, son manque de transparence et l'absence de concertation, ne s'est appliquée qu'aux communes les plus impactées par la submersion associée à Xynthia (Mercier et Chadenas, 2012).
Or, il existe d'autres territoires aux caractéristiques analogues le long du littoral atlantique, qui, dans un contexte d'élévation du niveau marin, pourraient être impactés à l'avenir par des événements de submersion marine (MEDDE, 2012).
Dans ce contexte, plusieurs questions se posent : est-il possible de hiérarchiser les secteurs en fonction de leur exposition potentielle afin d'identifier ceux devant faire l'objet d'interventions prioritaires ? Comment proposer des solutions de réduction de la vulnérabilité adaptées à chaque contexte et financièrement acceptables ?
C'est pour répondre à ces enjeux qu'une thèse alliant géographie et économie (Creach, 2015. Voir réf. complète en bibliographie) a été menée à l'Université de Nantes au laboratoire LETG Nantes Géolittomer entre 2011 et 2015, dans le cadre du programme de recherche COSELMAR.
Ce travail de recherche propose un outil de mesure de la vulnérabilité permettant d'identifier de manière préventive les constructions résidentielles pouvant exposer leurs occupants à un niveau de danger élevé en cas de submersion marine. Il permet également de comparer la pertinence de différentes mesures de prévention du risque, notamment au travers du prisme budgétaire. C'est donc un outil pouvant aider à la décision afin d'éviter que des événements de type Xynthia puissent avoir des conséquences aussi dramatiques à l'avenir. Un résumé de la méthode est donné dans la rubrique « La démarche ».
Nous vous proposons ici un aperçu de la méthode appliquée à la commune de La Guérinière sur l'île de Noirmoutier.
La Guérinière est la plus petite commune de l'île de Noirmoutier avec une superficie de 7,8 km². En 2011, la commune de La Guérinière compte 1 460 habitants, ce qui en fait également la commune la moins peuplée de l'île avec 15 % de la population totale de l'île (figure 3).
Du point de vue de sa géographie, elle se compose en grande majorité de zones basses puisque 80 % de son territoire se situe sous la cote 4,20 m NGF*. Elle est isolée de la mer par un cordon dunaire, haut et large au nord et au sud de la commune, mais peu élevé et étroit dans sa partie centrale. Ce dernier est mentionné dans les archives pour avoir subi des dégradations régulières liées à l'action de la mer et pour des travaux de confortement (communication de T. Sauzeau à partir du dépouillement des archives départementales de la Vendée, décembre 2014 ; Clouzot, 1913).
La partie est de la commune est isolée de la baie de Bourgneuf par une série de digues dont l'altitude est supérieure à 5 m NGF (suite aux travaux de confortement des digues réalisés dans le cadre du PAPI*).
La commune présente donc une topographie propice au risque de submersion marine par l'importance des zones basses, la relative fragilité du cordon dunaire et la proximité aux digues côté baie. 800 mètres séparent le cordon dunaire à l'ouest des digues à l'est.
Du point de vue de l'occupation de son territoire, La Guérinière est une commune densément peuplée.
Bien que sa population soit relativement stable depuis 1919, passant de 1 379 habitants en 1921 à 1460 habitants au recensement de 2011, la densité de population y est supérieure à la moyenne nationale avec 187 hab./km² (contre 118 hab./km² à l'échelle métropolitaine en 2015).
Pour ce qui est de son urbanisation, La Guérinière compte 2 667 constructions à vocation résidentielle en 2011. 73,6 % d'entre elles sont des résidences secondaires (figure 4). De fait, entre 1968 et 2011, la croissance de la population et celle de l'urbanisation sont dissociées : les résidences secondaires ont connu une évolution de + 600 %, tandis que la population a augmenté de + 25 % sur la même période.
Ce développement de l'urbanisation, sur une durée historique, s'est fait en arrière du cordon dunaire, au contact de la zone de marais, et cela pour deux raisons majeures : la proximité aux zones de travail (marais salants, maraîchage) et la position d'abri aux vents dominants venant de l'ouest.
En 1705, on distingue plusieurs secteurs urbanisés. Ces différents secteurs sont ensuite reliés entre eux au gré du développement de la commune. Les constructions se rapprochent du trait de côte. En 1950, les maisons de vacances étendent l'urbanisation sur le cordon dunaire en direction de la pointe de la Loire. Cela préfigure l'urbanisation du Bois des Eloux, qui accueille de nombreuses résidences secondaires.
En 2010, l'urbanisation est continue sur le cordon dunaire comme en témoigne les constructions présentes sur le secteur de La Cantine. En arrière, l'urbanisation est contenue par l'axe routier D38. La commune voit également apparaître des lotissements ex-nihilo situés sur le cordon dunaire, au sud du Bourg.
L'exposition de la commune au risque d'inondation par la mer tient donc pour beaucoup à une densification de l'urbanisation à proximité des zones basses potentiellement inondables.